dimanche 2 septembre 2007

Samedi, le 1 septembre 2007 – Le départ de mon père

Julie et moi avons été dîner pendant que mon père dort. J’aimerais aller voir ma mère tout de suite, mais Julie me convainc de rester pour faire la toilette de mon père comme nous avions prévu initialement.

Lorsque nous revenons, nous le réveillons. Nous nous inquiétons du fait qu’il n’a pas fait pipi depuis longtemps. Patricia l’infirmière propose de lui faire une petite échographie de la vessie. Tout semble normal.

Julie écoute de la musique avec papa pendant que je prépare sa douche. Ils écoutent Francis Cabrel, puis Claude Dubois. Il chante en cœur avec Julie la chanson «Besoin pour vivre» :
J’ai besoin de m’amuser
J’ai besoin pour vivre sur terre de soleil et de pluie
De légumes et de fruits
J’ai besoin de bouger, de dormir et manger
J’peux pas vivre sans être aimé
J’ai besoin pour vivre sur terre de rire, de m’amuser
Et surtout de chanter
J’ai besoin de danser avec le monde entier
J’peux pas vivre sans être aimé
J’ai besoin de m’amuser
J’ai besoin pour vivre sur terre d’essayer que les êtres
Ne manque jamais de rien
Besoin de travailler rien que pour vous donner
Car je ne pourrais pas exister
J’ai besoin pour vivre sur terre d’aimer et d’être aimé
De prendre et de donner
J’ai besoin de penser et aussi de rêver
À celle qui me fait tant aimer
Celle qui me fait aimer.

Papa et moi nous dirigeons ensuite vers l’immense douche de l’unité de soins. Je lui dis à la blague que c’est un spa. Mon père se déshabille doucement, et je l’aide et l’assieds sur une chaise de bain. Je me suis mis moi-même en sous-vêtements pour ne pas mouiller mes vêtements.

Je croyais que ce serait difficile de laver mon père – dans le sens de gênant. Mais ce fut au contraire très agréable comme contact. Je le laisse se laver les parties intimes, mais je savonne bien tout le reste de son corps… sans oublier les cheveux que je lui masse délicatement pendant qu’il se réchauffe avec le jet d’eau chaude. Je ne me souviens pas si mon père me lavait étant enfant, mais je suis content d’avoir pu lui offrir ce cadeau. Avoir su que ce spa existait, j’en aurais profité avant! Ce fut d’ailleurs un cadeau pour moi aussi; un des seuls moments de réelle intimité avec mon père dont je me souvienne.

Ça me rappelait vaguement une scène du film «Un zoo la nuit».

Mon père a mis sa chemise neuve, un sous-vêtement propre (il avait passé sa première nuit en couche… qu’elle humiliation!) et un pantalon de pyjama en flanelle. Je l’ai parfumé avec mon «Zegna».

De retour à sa chambre, il a entrepris de se raser. Nous recevons alors un appel de Linda, ma cousine, qui nous avertit que ma mère a eu une permission de son médecin pour sortir visiter mon père. Ma tante Gislaine l’accompagne. Elle doit être de retour pour 20h ce soir. Mon père est très heureux.

Alors qu’il se rase doucement depuis une dizaine de minutes, mon père semble s’endormir, le rasoir à la main… comme il le fait régulièrement ces temps-ci. Soudain, son corps se cabre vers l’avant. Son bras droit, qui tient son rasoir, se tend vers l’avant. Il se met à émettre un ronflement puissant et ses yeux sont grands ouverts, mais vides.

Je soutiens mon père et Julie court chercher les infirmières. Je chuchote à l’oreille de mon père «Ça va aller, papa».

Les infirmières le prennent en charge et le couchent dans son lit. Nous sortons, Julie et moi, dans le corridor pour les laisser travailler. L’une des infirmières vient nous rejoindre après 1 minute pour me dire de venir voir mon père. Ça me prend quelques secondes pour réagir à ce qu’elle me dit : «Votre père s’en va»…

Je monte sur le lit et caresse délicatement sa tête en lui chuchotant : «C’est Daniel, je suis là. Ça va aller, papa». Son ronflement s’arrête et repart en vagues irrégulières. Ma Julie tente de joindre ma sœur au téléphone et lui dit de venir tout de suite, car son père va mourir.

Les infirmières prennent son pouls et ses signes vitaux, et relâchent bientôt leur étreinte alors qu’elles ne sentent plus son cœur battre. Mon père a un dernier spasme respiratoire et je lui chuchote «ça va aller, papa, laisse-toi aller». J’ai soudain un petit sursaut d’impatience alors que je dis aux infirmières «qu’est-ce qu’on peut faire? Peut-on le réanimer?», mais je me ravise aussitôt et leur dit que mon père ne souhaitait pas être réanimer. Elles me confirment qu’elles le savaient.

Je continue à chuchoter doucement à l’oreille de mon père alors que sa respiration s’est définitivement arrêtée. Je lui ferme les yeux et lui dit «Merci pour la vie papa…»

Mon père est décédé à 16h34, probablement d’un AVC.

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